Partage d’histoire de deuil, par Lucie
Lucie a accepté de répondre à nos questions sur son histoire de deuil, et nous l’en remercions grandement! Son partage d’histoire de deuil est inspirante. Partage-nous la tienne en nous écrivant en MP sur notre compte Instagram @ressort.eu.
Place au partage d’histoire de deuil de Lucie!
1. Quel deuil vis-tu aujourd’hui et comment te sens-tu en cette fin d’année 2024?
J’ai perdu mon âme sœur, mon mari, le père de nos enfants, Julien, il y a 6 ans. Il s’est fait renverser par une voiture alors qu’il se rendait au travail à vélo. Il est resté inconscient pendant 24 heures aux soins intensifs et est décédé officiellement le lendemain d’une mort cérébrale.
Nous aurons fêté nos 21 ans de rencontre le 21 novembre dernier… Le 21 est le chiffre qui nous réunissait et c’est encore le cas aujourd’hui.
Comme toute fin d’année, la charge mentale est intense. Avec le calendrier de l’avent à préparer pour les enfants, les sollicitations pour les idées cadeaux, l’organisation des fêtes qui s’ajoutent à un quotidien déjà bien intense avec le travail, les devoirs et les activités sportives des enfants. Mais malgré cela, je continue à me garder des moments de respiration. Et je ressens une certaine confiance pour les prochains mois.
2. Quels sont les choses ou les souvenirs qui t’apportent le plus de réconfort en pensant à ton proche parti trop tôt?
La chance d’avoir vécu un amour si fort.
Lorsqu’il était aux soins intensifs, je n’ai pas arrêté de le remercier pour ces 15 années incroyables d’amour et pour nos deux enfants qui avaient alors 5 ans et 2 ans et demi. Notre histoire était fluide, évidente et nous avons appris à grandir et à évoluer ensemble.
Évidemment nous avons aussi traversé des moments difficiles et meme parfois des tensions mais elles étaient rares. Nous partagions les mêmes valeurs de vie.
Le « Magic Book »
Et surtout j’ai aujourd’hui la chance d’avoir le “magic book”. C’est comme cela qu’il a appelé les 8 années où il m’a écrit, en secret, un an après qu’on se soit rencontrés jusqu’à notre mariage. Il me l’offrit à notre mariage le 21 juillet 2012 devant nos invités. 8 dossiers pour chaque année de vie passés ensemble. Et dedans, ses humeurs, ses doutes, ses rêves, ses déceptions, ses satisfactions… C’était le plus beau cadeau de ma vie. Et ça a un sens encore plus précieux maintenant qu’il n’est plus là.
J’ai découvert après son décès qu’il a continué à m’écrire sporadiquement après notre mariage.
Quand j’ai besoin de ressentir de nouveau son amour, j’ai la chance de pouvoir le relire et me relier encore une fois à tout ce qu’il était et ce qu’il m’apportait lorsqu’il était parmi nous. Et quel cadeau cela représente aussi pour nos enfants maintenant. Ils pourront savoir comment était précisément leur papa de 21 à 29 ans, et même un peu après !
Ce qui est fou dans ses écrits c’est qu’à 22 ans il avait consacré une page où il parle de sa mort, brusque. D’un petit garçon et d’une petite fille qu’il laisserait et il commence par « dis à mes amis et à ma famille.. ». En somme, il m’avait écrit son discours pour les funérailles que j’ai pu lire le moment venu. Et les premiers mots de la page suivante commencent par « le 12 ou le 13 octobre ? ». Il se demandait peut être quel jour il était mais ce sont aussi les dates de son accident le 12 et de son décès le 13 octobre.
3. Y-a-t-il des personnes, des activités ou des pratiques qui t’ont particulièrement aidé à traverser cette période?
Les 3 premières années de vie sans lui, j’ai été tres bien entourée, que ce soit par ma famille, mes amis, les amis de Julien ou mon entourage professionnel. Avec le temps, évidemment cela se distend et chacun a à gérer ses propres problèmes du quotidien. C’est normal, je n’en veux à personne. Mais finalement la solitude se fait ressentir plus fortement depuis 2-3 ans.
Inévitablement j’ai appris à m’occuper de moi, à m’apporter de l’amour en prenant soin de mon état émotionnel et physique.
Les activités
Ce qui m’aide beaucoup c’est l’écriture, j’ai pris le relai en lui écrivant. Cela me fait du bien de lui parler et de lui partager mes émotions, mes doutes, mes difficultés et mes satisfactions, comme il l’avait fait dans le magic book. Juste après son décès j’ai très vite écrit dans un petit carnet tous les détails du quotidien, les “celui qui” faisait ci ou ça. Par exemple, celui qui râlait dans les bouchons, celui qui traînait les pieds au réveil.. J’en suis à 3 carnets maintenant et on les relit avec les enfants à l’occasion de son anniversaire.
Ce qui me recharge vraiment les batteries, c’est une balade en nature, contempler un paysage depuis le haut d’une montagne, j’adore! Et on a de quoi faire en Suisse!
Sinon, du sport pour se défouler, de la méditation ou de la respiration, des voyages, des massages, les bains, le macramé, des moments de partage conviviaux entre amis, surtout quand ils sont spontanés et imprévus!
Les pratiques
J’ai toujours un suivi chez ma psychothérapeute et c’est précieux pour m’accompagner dans ce processus de deuil non linéaire.
J’ai aussi mis en place un soir par semaine pour moi où une baby-sitter vient garder les enfants. Cela me permet d’aller au sport ou au resto avec des amies, ce qui est franchement salvateur quand on est seule à tout gérer sans famille à côté !
4. Y-a-t-il des moments particuliers où tu sens encore la présence ou l’influence de la personne dans ta vie quotidienne?
Oui, chaque jour :)! Julien est en moi.
J’ai le sentiment de vivre pour lui, dans un paysage qu’il aurait aimé, dans une blague qu’il aurait sorti, dans un défi pour lequel il m’aurait soutenu, dans une découverte qu’il aurait adoré, dans des moments simples de partage entre amis ou en famille, dans une musique, une danse, dans nos enfants…
J’ai rarement ressenti un manque au sens où j’aurais été démembrée d’une partie de moi. Alors que ça pourrait faire tellement sens. Rapidement, je me suis dis que c’était une présence permanente finalement. Et que c’est bon de savoir qu’on est aimée à l’infini !
Évidemment j’ai des moments où j’aimerais le sentir, le toucher, l’embrasser, le prendre dans mes bras et c’est ça le plus dur, c’est l’absence physique. La douleur est malgré tout présente.
Et puis il y a tous ces 21 qui croisent mon chemin, notamment aux dates importantes de rencontre, de mariage ou de son décès. Je sais qu’il me rappelle qu’il est à mes côtés et qu’il veille sur nous trois.
Petit à petit j’apprends à créer une autre relation avec lui grâce à notre amour qui me porte.
Avec une amie veuve également, nous avons proposé notre première « petite veuvrie entre amies » dans notre commune en Suisse. C’est un espace de parole dédiée aux jeunes veuves organisé par Happy End l’Asso. C’était un plaisir de partager nos coups durs et nos petites fiertés et de rencontrer de nouvelles personnes ayant vécu une épreuve similaire près de chez nous. Cela contribue aussi à m’aider à mettre du sens à ma propre perte.
5. Comment la perte que tu as vécue a-t-elle influencé ta vision de la vie ou de tes relations?
Quand j’étais en couple avec Julien, j’étais une jeune fille qui manquait de confiance en elle, qui se fondait facilement dans l’autre et qui ne savait pas vraiment ce qu’elle souhaitait, elle. Je ne suis plus la même personne sans Julien.
C’est un véritable outil de connaissance de soi que de traverser une telle perte !
Le deuil m’a appris tellement de choses sur moi-même : que j’étais forte (j’aurai pas parié sur ce qualificatif pour me décrire 6 ans auparavant!), que j’avais de la valeur même sans Julien, que c’est bon aussi d’être seule. De plus, je sais aussi plus facilement poser mes limites quand je sens que certaines relations ne me nourrissent plus ou me font même souffrir. Je ne peux plus être entourée de négativité. De même que je ne peux plus regarder des films ou lire des livres qui font peur ou qui sont violents. Je suis une fan de comédies romantiques ! J’ai appris à ne compter que sur moi-même pour me donner de l’amour. Et ça me semble plutôt sain de ne pas avoir à attendre que quelqu’un d’autre le fasse.
À ce sujet, après avoir vécu une si belle histoire, c’est pas évident de s’imaginer pouvoir en vivre une autre. J’ai la certitude que Julien souhaiterait me voir avec des papillons dans le ventre un jour. Mais pour l’instant, je ne recherche pas cela.
Je sais aussi à quel point il est bon de profiter de tout ce qu’on a. Je me sens protégée maintenant et plus grand chose me fait peur. A part des trucs à la con comme parler en public, mais je me soigne 🙂 !
Je suis tranquille avec la mort car je sais que ce n’est pas une fin. C’est créer une autre forme de lien, avec l’amour toujours en filigrane.
Merci beaucoup Lucie pour ce témoignage
L’histoire de deuil de Lucie t’inspire ?
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Bonjour Lucie
Beaucoup de similitudes dans ce témoignage meme si on est tous différents.
Le 21 novembre est également un chiffre qui nous relie. J’ai embrassé mon mari pour la première fois un 21 novembre.
La maladie l’a emporté le 21 novembre 2023.
Tout comme toi, il m’avait dit à notre rencontre je sais pas te dire pourquoi mais je n’irai pas plus que 40 ans . Il est tombé malade 2 mois après avoir eu 40 ans.
Et enfin je partage également avec lui dans un carnet des anecdotes, des émotions…et cela est réconfortant.
Merci ressort et Lucie.